Bestial - l'interview de Kamiti
Corbeyran, comment t'est venue l'idée de bestial ?
Ma passion pour le fantastique ne date pas d'hier. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été fasciné par ce qui se trouve au-delà du voile de notre réalité. C'est sans doute cette seule raison qui m'a poussé à consacrer tout mon temps et toute mon énergie à inventer des histoires plutôt qu'à opter pour un métier «normal». Pour un type qui imagine et qui écrit, et qui regarde la réalité d'un œil morne, l'inexplicable est bien plus excitant que le fait réel. C'est aussi un terrain de jeu bien plus vaste, un champ de liberté infini. Naturellement, lorsqu'on s'intéresse à ce registre, on tombe très vite sur l'un de ses fleurons les plus représentatifs : le loup-garou ! Mais il faut beaucoup de temps pour maturer une idée. Quelques décennies m'ont été nécessaires pour aboutir à « Bestial » !
En combien de tomes vois-tu la série ?
Trois épisodes seront indispensables pour raconter cette histoire parce que le thème est incroyablement riche ! Avec le vampire, le loup-garou est la figure la plus importante et la plus répandue du panorama fantastique. Pourquoi ? Parce qu'il est chargé d'une intensité particulière, parce que ce n'est pas un monstre ordinaire : C'est un humain qui se transforme ! Sa bestialité est à l'intérieur et elle fait du dégât quand elle s'extériorise. C'est une bête qu'on chasse, qu'on traque, mais, généralement, lorsqu'on l'abat, c'est un homme qui meurt. Cette dualité est importante, essentielle, constitutive du mythe… Impossible de l'expédier en 54 pages ! Mais rassurez-vous, j'ai déjà bien structuré le récit… Tout est prêt !
Cette BD se déroule dans l'époque contemporaine. Pourquoi ce choix ?
J'ai dévoré des dizaines de films et de romans sur le thème du loup-garou. Et si j'apprécie particulièrement le côté gothique (des films de la « Hammer », par exemple) qui donne une vraie patine au sujet et l'environne d'une atmosphère saisissante, je dois dire que je suis aussi très impressionné par les versions « modernisées », comme par exemple « L'année du loup-garou » de Stephen King ou encore l'excellent « Wolf » avec Jack Nicholson. Si on accepte qu'un mythe trouve son origine dans la nuit des temps, qu'en est-il de son adaptation à notre réalité contemporaine ? C'est une question que je pose dans « Bestial ». Dans les deux épisodes suivants, tout en dévoilant le devenir de Gary, on plongera aussi aux origines de la créature qui l'habite. Alors que le premier épisode insiste sur son « présent », son avenir et son passé seront ainsi abordés dans les deux prochains volumes.
Justement, va-t'on en apprendre avantage sur l'origine des loups garou ?
Bien entendu, c'est le but ! Quand un auteur s'empare d'un mythe, c'est qu'il a une version personnelle de la chose… une vision particulière ! Aux racines du mythe du loup-garou se trouvent sans doute nos peurs primitives et une première ébauche de la rivalité entre le « moi » et le « ça » (si chers à Sigmund Freud). Au fil du temps, il s'est cependant trouvé que j'ai souvent été déçu par le spectacle du loup-garou au cinéma ou par son approche littéraire. Sans jeu de mot, je suis resté assez fréquemment sur ma faim. J'ai donc tenté de prendre les choses en main avec Bestial et je livre aujourd'hui avec mon complice Luca Malisan et les éditions Kamiti « ma » version de ce mythe. Donc attendez-vous à découvrir des tas de choses qu'on ne vous a jamais dites sur le sujet !
Alors, Gary : méchant ou gentil ?
La notion du bien et du mal est au coeur de pas mal de mes bouquins ; elle est très présente notamment dans ma série « Le chant des Stryges ». Je n'ai pas de réponse toute faite à la question. Mais ce qui m'intéresse, c'est de poser cette question morale à mes lecteurs. Car elle nous renvoie à ce que nous sommes en tant qu'humain, en tant qu'animal social. Que ferions-nous à la place de Gary ? Comment une société doit-elle se comporter vis-à-vis d'un individu qui, par définition, n'a aucun point commun avec les gens qui la composent ? C'est un débat passionnant qui nous ramène aussi à l'inadaptation et à la monstruosité (deux autres thèmes qui me sont chers). Mais rassurez-vous, Bestial n'est pas un traité de philo, c'est une histoire brutale, pleine d'énergie, de rebondissements et de mystères…
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