
L'enfant démon - La chronique
"-Toc toc ? Y a du monde ? C'est à moitié ouvert…
-Ou à moitié fermé…
-Oh putain !
-Quoi ?
-Entre pas là-dedans !
-Qu'est-ce que tu as vu ? Mais putain, c'est quoi ?!
-C'est… c'est… une infection !"
En balade en forêt, un jeune couple découvre une tente abandonnée. Jetant un œil à l'intérieur, le garçon est saisi par la puanteur et l'horreur de trois cadavres de corbeaux les entrailles à l'air. Quelques jours plus tard, on retrouve l'homme au commissariat. Il est interrogé par la police, suspecté du meurtre de sa petite amie. Que s'est-il passé entre la découverte des oiseaux et ce moment ? D'après lui, elle aurait été attaquée par des loups… alors qu'il n'y en a plus depuis belle lurette dans le Limousin. Quant à la campeuse, elle n'a pas donné signe de vie depuis trois jours. Afin de les aider dans leurs recherches, les enquêteurs font appel à Blanche Fontaine. Spécialiste en sciences occultes, avec Gaëlle Demeter, lieutenant de gendarmerie, c'est elle qui, il y a quelques mois, a résolu l'énigme de l'homme-bouc qui a conduit à l'arrestation de Constantin Verger. Le vieil homme qui croupit en prison a fait un rêve. Il a vu l'enfant démon. Il errait dans les bois parmi les loups et les cerfs. Quelqu'un doit s'occuper de lui sinon sa colère sera terrible…car ce n'est pas la sienne. Il pourrait bien y avoir d'horribles morts.

Cinq ans après L'homme bouc paru chez Robinson, Aurélien Morinière et Corbeyran prolongent les mystères de la forêt limousine. Comme souvent, Corbeyran fait osciller son scénario entre fantastique et réalité. Au fond, qu'est-ce qui nous dit que les apparitions surnaturelles ne sont pas des représentations des démons internes des personnages bien réels ? Schizophrénie ou pas ? Le doute plane… ou pas. Le scénario de Corbeyran a ceci de malin qu'il ne donne pas toutes les clefs. L'interprétation du lecteur est l'une des réponses et non pas forcément la réponse. Et cela va jusqu'au final, magistral final.

Après l'exceptionnelle quadrilogie historique Visages – Ceux que nous sommes, Aurélien Morinière peut laisser plus de liberté à son imagination. Les passages en forêt sont immersifs. Les scènes nocturnes sont angoissantes. Alors que L'homme bouc était en niveaux de gris, ce deuxième épisode, qui peut parfaitement se lire indépendamment du premier, est dans des couleurs ternes, chamaniques. Morinière s'en sert pour jouer sur les ambiances. L'auteur a un don pour mêler des tons improbables : du rouge côtoie un vert-noir. Des illustrations pleines pages s'intercalant entre les chapitres ou faisant partie intégrante de l'histoire démontrent que le dessinateur est aussi un grand illustrateur.

L'enfant démon est un thriller fantastique de haute volée. Tout l'ADN du créateur Corbeyran est présent dans cette histoire dont on ne peut imaginer qui, mieux qu'Aurélien Morinière, l'aurait dessinée. L'album montre par ailleurs que c'est souvent chez les tout petits éditeurs, ici Komics Initiative, qu'il se passe des choses remarquables.
0 Commentaire
Soyez le premier à poster un commentaire.