Carnacki et les Fantômes
par Michael Fenris
William Hope Hodgson. Une parution au Masque Fantastique en 1977. Première découverte de l'auteur, je dois avoir une dizaine d'années, le livre appartient à mon frère aîné qui l'a reçu en cadeau d'anniversaire. Première histoire dans un coin lecture, la chaine hifi qui diffuse l'album de Saga, Silent Knight, et le morceau Help me out. Un album désormais indissociable du roman, puisque chaque fois que je l'écoute, je pense à ces nouvelles, et à cette extraordinaire couverture signée par Bruce Pennington. Le monstre n'a rien à voir avec les récits mais il plante d'emblée l'ambiance. Allez faire un tour sur son site pour vous rendre compte. Un talent comme celui de Wojtek Siudmak et ses couvertures chez Presse Pocket.
Carnacki et les fantômes, le seul livre qui pendant longtemps m'a filé suffisamment la frousse pour ne pas oser sortir en pleine nuit au fond du jardin de mes parents après avoir lu Hodgson décrire les terreurs de son héros. La force est dans le descriptif des sensations du détective. Nous sommes devant du surnaturel – en dehors d'une seule histoire, bibliophilie – et c'est à ce titre que le détective de l'étrange est contacté pour venir en aide aux victimes. Et pour cela, Carnacki déploie un impressionnant arsenal, allant de la lampe au magnésium aux pentacles électriques, en récitant des phrases de rituels obscurs. Gamin, tout cela m'impressionnait ; aujourd'hui, il reste le plaisir intact de récits parfois maladroits mais toujours impressionnants de suggestion. Contrairement à Lovecraft, un autre auteur que j'affectionne, William Hodgson ne s'engage jamais dans la description de créatures horribles, des monstres assoiffés de sang, vampires, goules et autres abominations. On ne retrouvera pas non plus de scènes de sang, de sexe, pas de surenchère de scènes fantastiques. Peut-être que ses origines, son éducation puritaine, y sont pour quelque chose.
Élevé très tôt dans le plaisir de la littérature « populaire » d'aventures, la tulipe noire, le bossu et le capitaine Fracasse, captivé par les romans d'Henri Vernes le père de Bob Morane, je me dis parfois que ma rencontre avec cet auteur était nécessaire, inévitable. Elle s'est poursuivie avec les premières histoires écrites à la main sur de vieux carnets trouvés dans la maison de campagne de mes parents. J'avais onze ans et mon héros affrontait autant de méchants que d'extra-terrestres ou de créatures d'un autre monde.
Viendront ensuite la Maison au Bord du Monde et ses porcs gigantesques qui gravissent la falaise, les pirates fantômes, les deux au Livre de Poche, puis la collection qui redonnera au genre ses lettres de noblesse, les éditions NéO et leurs splendides couvertures dessinées par Jean-Michel Nicollet. Le Pays de la Nuit, son roman le plus impressionnant, peut-être le plus difficile à lire pour un lecteur actuel en raison d'un style un peu lourd et de redites, n'est pas mon préféré. Hodgson avait ce don de sublimer la mer dans ce qu'elle peut avoir d'inquiétant. Seul Jean Ray a su atteindre ce niveau de terreur pure, et je conseille toujours le Psautier de Mayence, un véritable bijou. On sait de lui que, photographe amateur, il a profité de son expérience maritime pour prendre de multiples clichés de tempêtes et de typhons… Un livre que j'aurais aimé posséder.
Je regrette aujourd'hui qu'Hodgson ne soit pas plus autant lu, qu'il ne soit plus connu que par une poignée d'amateurs éclairés. Sa bibliographie étant relativement restreinte, son existence brève, 41 ans à peine, y sont sans doute pour beaucoup. Je regrette parfois que la suggestion ait disparu au profit du démonstratif. Je me souviens de la préface de François Truchaud dans l'Horreur Tropicale, où il évoquait la possibilité de récits et nouvelles inédites, et cette simple évocation me faisait rêver. Ça n'aura malheureusement pas été le cas… c'est dire si j'attends avec impatience la Bande dessinée de Luca Raimondo et de Corbeyran !
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